03.04.2010Une retraite paisible pour Samba la camarguaiseIl est des chevaux comme des humains, après bien des années de service, ceux-ci ont droit à une retraite paisible. Ce n'est pas Samba qui vous dira le contraire.
D'autant que si elle pouvait parler, elle en raconterait des choses ; peut-être même qu'elle nous ferait pleurer. Car Samba depuis longtemps, ne serait pas de ce monde si un jour son regard n'avait croisé celui de Pierrot, et qu'un coup de foudre mutuel ne les ait lié à jamais.
Oui,ce jour là, Samba, terrorisée, attendait dans le couloir de la mort d'un abattoir. Elle avait à peine un an. Aujourd'hui elle en a trente quatre, c'est vous dire si Pierrot s'en est bien occupé.
On peut la voir chemin d'Alais, au milieu de son enclos de verdure, dans sa robe blanche immaculée, d'où s'échappent en hiver, ces flocons de crins blancs sur lesquels se précipitent les pies pour en tapisser leur nid.
Elle a le regard éteint d'une très vieille grand-mère, elle en a aussi la démarche chancelante. Les rhumatismes, vous dirait -elle ! Ah, si seulement elle pouvait parler !
Elle vous raconterait ses longues promenades, Pierrot en selle, qui à petits coups légers sur ses flancs l'amenait où bon lui semblait. Elle vous raconterait aussi son bonheur d'être mère. Ces sept poulains, qu'elle a mis au monde sans qu'un seul cri ne s'échappe de son corps écartelé, Pierrot veillant encore sur elle. De temps à autre, elle voit trotter deux de ses fils restés au pays; les autres ont fait leur vie.
Que voulez-vous, chez les chevaux aussi on ne garde pas ses enfants pour soi.
Ah oui, si seulement Samba pouvait parler ! Elle vous dirait que maintenant pour elle les jours comptent double et qu'elle sent bien que cela angoisse son Pierrot. Que viendra bien le moment où elle ne sera plus de ce monde et qu'il faudra appeler l'équarisseur.
Mais si les chevaux comme les hommes ont une âme, soyons sûrs que celle de Samba flottera pour longtemps au-dessus du chemin d'Alais.