Dimanche 13 Décembre 2009
BERGERAC.
Victime d'un accident de voiture à 18 ans, la cavalière franchit à nouveau les obstacles. Dans la vie et sur les pistes
« Bats-toi pour ce que tu es encore » Florence Veillet : « Les médecins m'avaient dit que je ne pourrais pas avoir d'enfant et que je pouvais ranger le cheval au rayon des souvenirs. J'ai eu 36 ans, mon fils a 9 ans, et je suis championne de France d'équitation para-équestre. » (photo émilie Drouinaud)La démarche est parfois hésitante, mais les doigts se referment solidement sur la bride. Quite, le cheval de Florence Veillet, ne tient pas en place. Il est resté trop longtemps dans son box à cause de la pluie, et elle a dû s'entraîner au manège couvert depuis plusieurs jours, dans le petit club hippique de Saint-Nexans.
Ce matin, la terre gelée fume sous les pâles rayons du soleil d'hiver. Une heure et demi d'entraînement intensif, une heure et demi pour se battre contre son handicap, tous les jours de l'année. Florence est sans aucun doute timide, mais elle n'a pas l'air fragile.
Pourtant, quand on connaît son histoire, on retient son souffle à chaque fois qu'elle et son cheval franchissent un obstacle.
Trois semaines dans le comaEn cas de chute, Florence sait que ce sera sans doute la fin de sa carrière. « Les médecins m'avaient tellement dit que je ne pourrais plus monter à cheval après mon accident, que j'avais fait mon deuil, mais j'étais toujours aussi déprimée... » Depuis quelques années, elle avait bien recommencé à faire des balades, avec son mari Sébastien et son fils Jonathan, mais ses chevauchées restaient rares. Et puis il y a eu une rencontre avec une personne hors du commun, Joël Joannot, le champion olympique de handisport. « Joël m'a dit : "Ne te bats pas contre ce que tu n'es plus, mais bats-toi pour ce que tu es encore". » Depuis ce jour, Florence s'attache de toutes ses forces au présent.
« J'ai eu un accident de voiture quand j'avais 18 ans, alors que ma maman m'emmenait à un concours d'équitation. Un type a grillé un stop et a percuté la voiture côté passager. J'ai eu la colonne vertébrale sectionnée en plusieurs endroits, et j'ai passé trois semaines dans le coma. On ne pouvait rien faire pour mes cervicales, et j'ai été opéré des lombaires quatre fois. J'ai dans le dos une plaque en titane et des vis, et je dois me battre pour garder l'usage de mes membres. Je dois aussi prendre un traitement très lourd pour supporter la douleur, à base de morphine. »
Changer l'image du handicapDepuis moins d'un an, Florence a recommencé le saut d'obstacles en compétition, et le 31 octobre dernier, elle a remporté la coupe de France du championnat d'équitation para-équestre, à Lyon.
Le 7 décembre, elle a été une nouvelle fois récompensée aux Éclats du sport. « Les médecins ont dit que je bravais les interdits pour les provoquer. Ils m'avaient dit que je ne pourrais pas avoir d'enfant, et que je pouvais ranger le cheval au rayon des souvenirs. J'ai eu 36 ans, mon fils a 9 ans, et je suis championne de France d'équitation para-équestre. »
Le combat sportif n'est pas son seul moteur. Florence se bat aussi pour changer l'image du handicap. « Je souffre beaucoup du regard des gens. Comme je ne suis pas dans un fauteuil, les gens sont moins attentionnés. Ce qui me fait le plus mal, par exemple, ce n'est pas de monter à cheval, ce sont les soins à mon cheval, mettre la selle, nettoyer les sabots... Je fais d'énormes sacrifices, tous les jours, pour pouvoir changer ce regard. Les gens sont parfois jaloux, mais ils n'ont aucune idée de ce que ça me coûte. »
Qu'importe, Florence se bat, et cherche aujourd'hui d'autres sponsors pour continuer les compétitions. Un équipementier veut d'ailleurs lui faire une selle sur mesure pour bloquer sa jambe. Et puis après ? Le combat continue au présent.
Auteur : Arnauld Bernard