Ophélie de Favitski, cavalière non-voyante : « Je ne lâche rien ! »lundi 03.05.2010, 05:07 - La Voix du Nord
La semaine prochaine, Ophélie de Favitski sera la première athlète non-voyante à faire un concours complet. PHOTOS «LA VOIX »
| • HIPPISME13e JUMPING INTERNATIONAL DE MAUBE | Ophélie de Favitski a perdu la vue il y a sept ans à la suite d'un coup de sabot reçu en plein visage. Cet accident dramatique n'a pas altéré sa passion pour les chevaux. Ce week-end, lors du Jumping, la jeune femme de 30 ans s'est présentée aux Maubeugeois lors de deux exhibitions.
Ophélie De Favitski vient de Limoges (Haute-Vienne). Elle préparait son monitorat d'équitation quand s'est produit l'accident. Ce coup de sabot d'un cheval un peu trop excité lui a fait perdre la vue.
Lorsqu'elle est sortie de l'hôpital, Ophélie de Favitski a démarré une nouvelle vie. Une vie sans jamais plus voir, mais pas une vie sans cheval : « Un copain m'a dit : "Viens je t'emmène". On a fait un petit galop dans les bois. La toute première séance, j'avais les genoux serrés, les épaules en avant. Les réflexes du débutant. Et puis c'est revenu très vite. » En 2007, la Limougeaude remporte le premier de ses trois championnats de France handisports. Ayant disposé du sens de la vue par le passé, Ophélie arrive toujours à situer ses concours : « Je me représente très bien l'environnement, contrairement aux cavaliers qui n'ont jamais vu de couleurs. Moi, je sais à quoi ressemble un alezan par exemple.»
Elle a gardé son niveau acquis avant son accident : « J'ai de vrais réflexes de cavalier valide. Au niveau du positionnement du corps,l'équilibre... » Les cavaliers non-voyants bénéficient d'un cavalier guide - à l'entraînement et pendant les concours. Ce dernier dirige le cavalier déficient par la voix, en le précédant de quelques mètres.
« Qu'il me raconte n'importe quoi, tant qu'il me parle ! rit Ophélie. Dans l'idéal, il faudrait que j'aie un repère à chaque foulée. » Sans guide ? « Ce serait très compliqué. On joue sur le fait que les chevaux se suivent naturellement. Et puis on aurait besoin de plus de temps pour repérer les obstacles. Or, je fais de la compétition. Je ne lâche rien ! »
Tellement rien qu'Ophélie a déjà concouru... en valide ! « La fédération autorise des cavaliers qui présentent un handicap à participer, à partir du moment où ça ne dénature pas le concours », explique Catherine Duez, présidente de la commission « Équitation différence » du comité régional d'équitation. Question adaptabilité, la France est en avance sur le plan international. « C'est le seul pays à présenter une catégorie pour chaque handicap », note Ophélie de Favitski, qui contribue incroyablement à faire grandir la discipline, puisqu'elle deviendra la semaine prochaine la première athlète non-voyante à s'aligner sur un concours complet (saut d'obstacles, dressage et cross). « Je ne vous raconte pas le coup de pied dans la fourmilière qu'on va donner ! » Ophélie de Favitski était à Maubeuge ce week-end. Elle a effectué deux démonstrations, accompagnée des cavaliers Alexandra Francart et Nicolas Delmotte. « À voir comme ça, je ne me rendais pas compte que c'était aussi difficile, note le cavalier douaisien, qui guidait un non-voyant pour la première fois. On a peur de lui donner une mauvaise indication. » Au sujet d'Ophélie : « J'a i été très impressionné par son équilibre à cheval. Si j'avais les yeux fermés, je ne sais pas si j'y arriverais. » « Nicolas s'est adapté très vite, le rassure Ophélie. J'ai entendu tout le temps sa voix. » Recommencer ? « Quand il veut ! », s'enthousiasme la cavalière. •
JULIEN CASTELLI