Publié le 29/06/2010 | 12:00
Corse: quand l'âne se remet à braire... Mathieu Bonnavita, éleveur d'ânes à Frassicia, village près d'Aléria, avec l'un de ses animaux
AFP - STEPHAN AGOSTINI L'âne de Corse, autrefois animal emblématique de l'île, va être reconnu et valorisé
Une action entreprise par une poignée de passionnés réunis dans l'association A Runcata. A Runcata qui signifie en corse le... braiment.
L'île ne compte plus aujourd'hui moins de 2000 de ces gris équidés, intelligents et affectueux. Des animaux notamment utilisés par des touristes pour la promenade ou le transport des bagages de randonneurs.
L'âne corseL'âne est un animal de trait et de transport typique des régions méditerranéennes. Gris la plupart du temps, noir dans certains cas, il mesure 0,98 m au garrot. Jusqu'au développement de l'automobile dans les années 30, on en comptait encore plus de 20.000 dans les villages et les montagnes corses.
Jusqu'à la fin des années 60, vendus à vil prix, les ânes insulaires partirent par troupeaux entiers pour l'Italie et la Provence où leur viande était transformée en saucisson. Ses défenseurs aiment à rappeler qu'un tel produit n'a jamais été consommé en Corse, en dépit d'une supercherie touristique, parfois encore en vogue. Aujourd'hui, l'animal reste un symbole folklorique, que l'on retrouve notamment... sur les cartes postales.
Dans une société essentiellement rurale, chaque famille possédait au moins un âne pour transporter denrées, bois, pierres et autres matériaux de construction. Bête de somme endurante et sûre, il pouvait aussi porter des personnes sur les chemins escarpés de montagne et, attelé, aider au labour.
"L'âne est utile et il faut le faire travailler", souligne l'association "A Runcata" qui a entrepris de le faire reconnaître et valoriser. Le ministère de l'Agriculture a apporté son soutien pour travailler sur la filière asine (ou asinienne: de l'âne). Une "fête de l'âne et du patrimoine a été organisée le 20 juin dernier à Vivario (Haute-Corse).
Avantages méconnus L'équidé, peu connu, est victime de préjugés. Il serait notamment de caractère entêté. Voire d'une intelligente réduite et fourbe... Mais en dépit de ce que l'on pourrait pense, l'animal "à grosse tête et longues oreilles", comme le définit joliment le Petit Robert, a aujourd'hui encore toute sa place. Dans un contexte de désertification de l'intérieur, il peut en effet participer au développement du tourisme vert et, en général, des activités écologiques et environnementales.
"Nous allons recenser les animaux et définir les standards de la race, comme cela a été fait pour le cheval corse", explique-t-on à A Runcata.
Une puce électronique, sorte de carte d'identité, va ainsi placé sur chaque animal. "Face à l'importation d'ânes du continent et de Sardaigne qui met en danger les éleveurs corses, il faut rapidement recenser le cheptel, notamment pour écarter les risques sanitaires", indique le Conseil du cheval, structure qui a normalement pour mission de promouvoir la filière cheval de la région Corse, mais s'occupe donc aussi de la filière asine.
Le développement du cheptel de l'âne offre notamment des possibilités de développement dans le domaine environnemental.
"L'âne est le meilleur des débroussailleurs. Il peut aller là où les 4x4 et autres machines, souvent dangereuses en été avec les risques d'incendie, ne vont pas, notamment en forêt. Il fait aussi moins de dégâts que les autres animaux", souligne-t-on au Conseil du cheval.
Selon un éleveur local, il est "plus intelligent que le cheval car il mémorise les parcours et a l'instinct de l'obstacle". Une chose est sûre: l'animal est apprécié des enfants. Des écoles du sud de l'île ont ainsi conclu un partenariat avec des professionnels du tourisme équestre pour des sorties pédagogiques de connaissance de la nature. "Ce sont des supers alliés pour travailler avec les enfants", confirme l'un d'entre eux. L'âne comme le cheval, une des plus nobles conquêtes de l'homme...